Je vais essayer de résumer les arguments des défenseurs de la gratuité et de leurs contradicteurs.

Pour un accès gratuit:

  • L'accès payant est complexe à mettre en place.
  • L'accès payant va dans le sens d'une logique marchande; ce serait "gravissime pour la démocratie".
  • En matière de diffusion en ligne du patrimoine, la tendance n'est pas à l'accès payant: voir les bibliothèques numériques comme Gallica.
  • L'accès payant donnerait une image de repli sur soi, et l'impression d'une diffusion restreinte des documents.

Pour un accès payant:

  • L'accès payant est une participation aux frais[1] au même titre que la facturation de photocopies ou de frais d'envoi.
  • Ce qu'on fait payer, c'est le confort de la consultation à distance: cela ne remet pas en cause l'accès direct et gratuit aux documents.
  • Un service public ne doit pas forcément être gratuit.
  • Le coût de la numérisation devrait être assumé par tous les usagers, pas seulement par les contribuables de la collectivité concernée.
  • Dans les faits, l'accès physique aux archives est coûteux et contraignant pour la majorité des usagers, en raison de l'obligation de se déplacer et de se conformer aux horaires d'ouverture.
  • Les archives historiques sont un bien culturel: faire payer l'accès à celles-ci équivaut à faire payer l'entrée dans un musée.

Pour ma part, je ne suis pas sûr d'arriver à me décider.

Il y a une part idéologique dans cette question, mais aussi conjoncturelle. Bien évidemment, nous souhaiterions faciliter au maximum l'accès aux documents que nous conservons. Mais quand il s'agit d'établir le budget d'une collectivité, les archives ne sont pas souvent bien servies. Un service peut-il alors se permettre de négliger cette source de revenus? Et n'est-il pas plus facile de faire accepter le financement d'un projet de numérisation si l'on annonce aux décideurs que les usagers assumeront aussi une part des frais?

D'un autre côté, l'accès payant ne risque-t-il pas de faire fuir ces mêmes usagers? L'image de gratuité du web est très forte, a fortiori dans le cadre de services culturels. Il me semble d'ailleurs que dans le cas des bibliothèques, facturer les services en ligne n'est pas à l'ordre du jour[2]. Pourtant, elles les ont fortement développés: il y a bien sûr les bibliothèques numériques, mais aussi les services de référence en ligne[3] comme SwissInfoDesk (Bibliothèque nationale suisse) ou le Guichet du Savoir (Bibliothèque municipale de Lyon), qui doivent pourtant être bien coûteux en terme de ressources humaines.

Par ailleurs, l'accès payant devrait-il seulement financer les frais ordinaires de mise en ligne des documents (hébergement, maintenance), ou aussi compenser a posteriori le coût de la numérisation? La deuxième option peut être contestée plus fortement dans le cas où la numérisation a été prévue dans une optique de conservation[4], puisque l'accès à la version électronique est alors obligatoire.

Ces questions me travaillent. En matière de diffusion et de valorisation des archives, c'est sans doute une problématique qui va gagner de l'importance.

Notes

[1] Dans lesquels il faut compter le coût initial de la numérisation, mais aussi celui de l'hébergement.

[2] C'est une impression a priori, je n'ai pas cherché à vérifier cela. Si vous connaisez des exemples de services en ligne payants, merci de me les signaler.

[3] Voir le billet de Vagabondages sur le sujet.

[4] A savoir offrir un mode de consultation alternatif pour éviter la manipulation de documents fragiles.